Jean-Guy Bruneau
Peut-on enseigner la création?
Arrivée en début d’année à titre d’écrivaine en résidence au Département des lettres françaises, Monique LaRue reconnaît qu’elle se fait parfois poser la question. Sa réponse? Elle estime qu’au-delà du don même de l’écriture, l’œuvre de création exige travail, volonté, intérêt et « une certaine technique ».
Détentrice d’un doctorat de troisième cycle en littérature de l’Université de Paris, auteure de cinq romans et de nombreux essais et études, elle soutient qu’il y a effectivement « un savoir-faire » à l’écriture. À son avis, la démarche créatrice, un peu comme l’apprentissage du piano et de la peinture, exige une technique qui n’est pas facile à maîtriser. « Quelqu’un qui n’a pas de technique risque de mal raconter son histoire, car on ne soupçonne pas le travail qu’il y a derrière la moindre phrase écrite. »
L’auteure de la Gloire de Cassiodore (Prix du gouverneur général, 2002) veut justement faire profiter les étudiants de son expérience. Tout en les accompagnant dans leur découverte de l’écriture romanesque, elle souhaite les aider à progresser plus rapidement en évitant notamment certaines erreurs et certains écueils. Elle reconnaît d’emblée qu’elle aurait elle-même évolué plus rapidement comme écrivaine si elle avait eu l’occasion de suivre une démarche similaire.
Écrire, c’est tout un défi. Comment fignoler un texte, un dialogue, faire parler un personnage, décrire un lieu, inventer une intrigue, choisir son narrateur, utiliser le bon temps de verbe : ce sont là autant d’éléments de la création qu’il est possible d’apprendre. « Il faut aussi savoir exprimer ce que l’on est et ce qu’on veut dire. Je sais ce que peuvent être les peurs et les émotions de la création, les bonnes et les mauvaises motivations pour écrire, les pièges et les fausses illusions qui guettent les étudiants. »
L’atelier de création qui regroupe une quinzaine d’étudiantes et d’étudiants procure un autre avantage clé : des lecteurs.
« Il ne suffit pas de créer, insiste-t-elle, il importe de se faire lire, de se faire critiquer. »
Chaque semaine, à partir d’un thème défini à l’avance, les étudiants critiquent leurs textes sans pour autant savoir au préalable qui d’entre eux en est l’auteur. « On apprend aussi en lisant les manuscrits des autres », explique Mme LaRue.
Si cet exercice a suscité au départ des inquiétudes, voire des angoisses, chez les étudiants, ces appréhensions se sont rapidement dissipées. « Je voulais que ça se fasse sous le signe de l’amitié et de la délicatesse. » L’interaction dynamique qui s’est instaurée parmi les étudiants, dont elle loue d’ailleurs la maturité, démontre que cet objectif a été atteint.
« Le mot d’ordre, c’est de chercher ce qu’il y a de bon dans le texte de chacun. Il ne s’agit pas de réaliser des chefs-d’œuvre, mais d’apprendre à exprimer son individualité. Obtenir l’impression du lecteur, c’est aussi une façon de briser la solitude de la création. »
Son rôle d’écrivaine en résidence lui permet de consacrer la majeure partie de son temps à l’écriture. C’est là un avantage non négligeable, « puisqu’un écrivain doit aussi gagner sa vie, » rappelle-t-elle.