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Les poissons électriques à la base d'une fructueuse collaboration

Len Maler et André Longtin
 Len Maler (à gauche) et André Longtin
 
Bob LeDrew

Bien que leur relation ne colle pas tout à fait aux pièces de Neil Simon, le physicien André Longtin et le neuroscientifique Len Maler forment un « drôle de couple « dont les liens professionnels et personnels sont très fructueux.

À preuve que les professeurs Longtin et Maler sont les premiers récipiendaires du Prix en recherche interdisciplinaire de l'Université d'Ottawa.

Ce prix souligne la recherche que poursuivent ces chercheurs depuis plusieurs années, avec leurs étudiants diplômés et boursiers postdoctoraux, sur les façons dont les poissons faiblement électriques se servent des champs électriques comme moyens de sensation pour communiquer entre eux et percevoir leur environnement.

Ces travaux, qui combinent la physique et les mathématiques de M. Longtin et les neurosciences de M. Maler, leur ont permis de mieux comprendre comment ces poissons réussissent à se centrer sur leurs propres signaux dans un environnement où les signaux électriques abondent. Leurs découvertes sont révélatrices de principes physiques et biologiques inédits en matière de fonction neurale et ont fait l'objet d'articles parus dans plusieurs revues prestigieuses, dont Nature, Physical Review Letters et Neuron.

Mais leur collaboration les a aussi menés à réfléchir sur comment ces nouveaux partenariats pourraient revitaliser les sciences et assurer un avenir prometteur à la recherche interdisciplinaire.

« La recherche interdisciplinaire augmentera sûrement la vitesse du changement dans les sciences et dans les universités », dit le professeur Maler. « Certains domaines scientifiques ont connu la stagnation. Le travail en collaboration avec de nouveaux partenaires donnera lieu à un renouveau sur le plan du questionnement. »

André Longtin souligne la création d'un nouveau département de « biologie des systèmes « à l'université Harvard – « le premier nouveau département établi à cette université depuis des années » – et ajoute que le domaine de la neuroscience computationnelle deviendra aussi important que celui de la biologie moléculaire et pourrait bientôt faire partie intégrante des programmes de premier cycle.

Les deux professeurs s'accordent à dire que l'un des appuis principaux pour leur recherche vient de l'ouverture d'esprit qu'a montrée l'Université – et leurs doyens – envers le principe que la recherche peut et doit sortir des carcans disciplinaires.

Il n'est pas surprenant de constater que la technologie et Internet jouent un rôle de plus en plus important dans la formation de collaborations telles que la leur. Plus encore, dans le cas des professeurs Longtin et Maler, l'accessibilité accrue des réseaux informatiques haute vitesse ont permis aux chercheurs de réaliser les fonctions mathématiques nécessaires au domaine de la neuroscience computationnelle.

Les deux chercheurs ne prévoient pas voir les étudiants de demain tenter de maîtriser deux disciplines, mais ils croient que ces étudiants s'assureront de suivre des cours fondamentaux, comme la physique et le calcul, tôt dans leur carrière, puis de progresser vers des cours de premier cycle avancés qui estompent les frontières entre les disciplines, comme la neurobiologie computationnelle, pour ensuite se chercher des partenaires pendant leurs études de deuxième cycle ou par la suite. Voici ce que conseille le professeur Maler aux étudiants : « Suivez les cours difficiles en mathématiques et en physique au cours des premières années de vos études : ils constituent la base, et vous aurez besoin du temps pour vous préparer à travailler dans ces domaines. »

D'après MM. Maler et Longtin, les partenariats qui réussissent doivent être fondés sur de solides relations personnelles ainsi que sur la volonté des partenaires de s'immerger dans un langage qui ne leur est pas familier, celui d'une autre discipline.

« Le défi à relever en recherche interdisciplinaire, dit André Longtin, a toujours été la capacité de maîtriser un ensemble de compétences dans son domaine primaire, par exemple la modélisation biophysique, tout en ayant aussi des compétences dans un autre domaine, comme la neuroscience. L'idéal, c'est de trouver quelqu'un qui possède un ensemble complémentaire de compétences, mais ce n'est pas facile. Len et moi avons eu de la chance. »

Len Maler croit qu'il est inévitable que la collaboration se renforce de plus en plus. « C'est le succès qui l'engendre. »

Vu leur propre réussite, on ne peut en douter.