Tim Lougheed
À première vue, le droit d’auteur semble un sujet aride, du genre qu’on s’attendrait à trouver dans des documents juridiques ennuyeux ou des revues savantes auxquelles seuls des universitaires pourraient s’intéresser. Pourtant, dès que le professeur droit Michael Geist se met à en parler, toute la question devient pertinente, importante et absolument fascinante.
À vrai dire, sa passion pour le sujet est tout simplement contagieuse. Montrer aux Canadiens que le droit d’auteur envahit leur quotidien de mille et une manières est, pour le professeur Geist, une marotte qui l’occupe intensivement. Par ailleurs, son expérience et sa compréhension de ce domaine complexe le placent à l’avant-scène des discussions concernant l’application appropriée des principes du droit d’auteur.
Le débat aurait fort bien pu rester confiné entre les murs des écoles de droit, n’eut été de ses efforts inlassables pour sensibiliser la population au rôle croissant du droit d’auteur dans notre société. Après avoir traité du sujet dans son propre site Web, dans des chroniques de presse et dans une multitude d’entrevues à la radio et à la télévision, Michael Geist a étendu son action à un nouveau créneau.
Au début de décembre, il a lancé Why Copyright?: Canadian Voices on Copyright Law, un documentaire vidéo de 47 minutes qu’on peut visionner facilement sur www.copyrightvoices.ca. Produit en collaboration avec le cinéaste et étudiant en droit Daniel Albahary, le film décrit comment le droit d’auteur nous concerne tous, en présentant les témoignages de personnes clés qui en ressentent actuellement les conséquences.
Vingt-quatre personnes prennent la parole à l’écran pour présenter des points de vue et des cas personnels tous plus différents et inusités les uns que les autres. Jeremy Teplinsky, avocat torontois et ancien de la Faculté de droit, relate son premier contact avec le logiciel anticopie que Sony camouflait dans des CD de musique autrement bien normaux. Ce notoire logiciel fantôme malveillant modifie fondamentalement le système d’exploitation de l’ordinateur, le rendant parfois totalement inutilisable. Pour sa part, l’artiste britanno-colombien Gordon Duggan défend la légitimité de s’approprier des oeuvres des autres en vue de créer de nouvelles formes d’expression. Par ailleurs, la bibliothécaire en chef de l’Université d’Ottawa, Leslie Weir, entrevoit les effets pervers irrémédiables que des resserrements du droit d’auteur auraient sur la nature même de son travail.
Selon Geist, cette diversité de points de vue est essentielle. « L’objectif est, en partie, de s’assurer que les spectateurs entendent des personnes qu’on entend généralement pas s’exprimer à ce sujet, et de faire comprendre combien la question du droit d’auteur est omniprésente », explique-t-il. « Il ne s’agit pas ici de seulement quelques professeurs de droit ou de « téléchargeurs » quelconques. Au contraire. La réforme envisagée aura des répercussions pour beaucoup de gens, dans tous les milieux, des créateurs jusqu’aux éducateurs et bien d’autres encore. Presque tout le monde sera touché d’une manière ou d’une autre.
Au Canada, cette réforme s’est matérialisée en juillet dernier dans le projet de loi C-61 qui reprend les sévères contraintes qu’impose la US Digital Millennium Copyright Act. Cela a provoqué une forte vague d’indignation publique parce que la loi proposée limiterait les utilisations potentielles de technologies en vogue telles que les enregistreurs vidéos numériques et les lecteurs de musique, et elle restreindrait toutes sortes de projets artistiques ou savants.
Pour Michael Geist, c’est sa propre réaction qui l’a poussé à créer le documentaire qui illustre toute l’étendue des conséquences de ce projet de loi. Plus de 5 000 personnes ont vu cette vidéo durant la première semaine de sa diffusion, ce qui confirme un large intérêt pour le droit d’auteur. Parmi les commentaires qu’il a reçus, différentes personnes donnent des exemples particulièrement pertinents dans leur cas, insistant sur l’importance du sujet.
Il ajoute que le documentaire est diffusé sous un contrat Creative Commons (http://creativecommons.org/license/) qui permet d’en partager le contenu à grande échelle. Cette décision concorde avec son but ultime : poursuivre la sensibilisation de la population en prévision de futures tentatives de modifier la législation sur le droit d’auteur.