Échos du campusÉCHOS DU CAMPUS

Un chercheur découvre la « Terre promise »

Sophie Nadeau

Alors que partout dans le monde on célèbre le bicentenaire de l’abolition de l’esclavage (1807-2007), un professeur de communication de l’Université d’Ottawa reçoit une subvention d’un million de dollars sur cinq ans pour réaliser une importante recherche sur l’expérience des Noirs dans le Canada du 19e siècle.  

Le projet du Professeur Boulou Ebanda de B’béri intitulé « The Promised Land: The Freedom Experience of Blacks in Chatham and Dawn Settlements » a reçu cette subvention du programme stratégique Alliance de recherche universités-communautés (ARUC), du Conseil de recherches en sciences humaines.

Natif du Cameroun, Boulou Ebanda de B’béri enseigne à l’Université d’Ottawa depuis 2004. Il a commencé à travailler en 2005 à ce projet qu’il qualifie de « merveilleux malheur ».

Le fait que l’anniversaire de l’abolition coïncide avec le financement de ce projet est « à la fois doux et amer ». « L’abolition de l’esclavage est en effet un moment exceptionnel pour l’histoire de l’humanité, car elle nous donne l’occasion d’évoquer le passage de la barbarie systémique à la justice. Hélas, ce moment important n’a que peu ou pas reçu d’attention au Canada », dit Boulou Ebanda de B’béri. « Le Canada est un pays où il y avait à la fois des esclaves et des combattants pour la liberté ».

Les colonies de la « Terre promise » de Chatham et Dawn, dans le Sud de l’Ontario, étaient constituées d’importants groupes d’hommes et de femmes d’origine africaine. Leur arrivée au Canada au milieu des années 1800 a souvent été associée au chemin de fer clandestin ayant permis à plusieurs Noirs de fuir l’esclavage aux États-Unis. Toutefois, selon le Professeur Boulou Ebanda de B’béri, les contes et histoires populaires sur les chemins de fer clandestins ne constituent qu’une infime partie d’une expérience beaucoup plus vaste et complexe.

En effet, les communautés noires de la « Terre promise » ont généré de puissantes pratiques idéologiques relatives à la lutte pour les droits humains, la liberté et la citoyenneté. À partir de ce creuset idéologique, ces citoyens canadiens du 19e siècle ont travaillé pour l’abolition de l’esclavage aux États-Unis et pour la protection des droits civils au Canada. Si les communautés elles-mêmes étaient petites, leur influence s’est pourtant répandue à travers le Canada et de l’autre côté de l’Atlantique. Elles furent au cœur d’une culture de justice sociale qui a joui d’un soutien interculturel tout en établissant des réseaux avec d’autres militants pour la liberté aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Néanmoins, bien que ces communautés aient joué un rôle important dans la création et la définition du caractère multiculturel du Canada, seuls quelques fragments de cette histoire collective ont été explorés. Comme la plupart de ces données historiques demeurent à l’intérieur de sources primaires riches, mais fragiles, peu d’entre elles ont réussi à s’inscrire dans l’histoire nationale et la mémoire collective.

C’est à cette « amnésie historique » que le projet s’intéresse plus particulièrement. Le projet rassemble une équipe interdisciplinaire composée de chercheurs universitaires et communautaires  dont le but est d’exposer l’intégralité, l’intrication et la signification de l’histoire des Noirs dans ces communautés. L’objectif principal est de souligner l’importance historique de la Terre promise comme récit méconnu mais central de l’histoire canadienne et de relever sa pertinence actuelle comme modèle multiculturel avant la lettre. Ce projet a l’ambition de préserver et de rendre accessibles les sources primaires, de produire des outils pédagogiques et de créer des projets communautaires dans les arts et l’histoire commune.

Les données recueillies dans le cadre de ce projet seront hébergées par un serveur libre d’accès au Laboratoire des médias pour l’étude des cultures et des sociétés (LAMAC&S) du professeur Boulou Ebanda de B’béri, financé conjointement par la Fondation canadienne pour l’innovation et le Fonds ontarien pour la recherche.

Pour plus de renseignements sur ce projet, veuillez écrire à b.debberi@uOttawa.ca.