Shana Poplack, linguiste et professeure à l’Université d’Ottawa, est au nombre des cinq chercheurs canadiens de renom qui recevront un prix Killam 2007. La plus haute distinction au Canada dans les domaines du génie, des sciences naturelles, des sciences humaines, des sciences sociales et des sciences de la santé honore chaque année les réalisations exceptionnelles dans ces disciplines. Le prix de 100 000 $ a été présenté le 23 avril par le Conseil des Arts du Canada, responsable du programme Killam.
« Le prix Killam est non seulement un honneur insigne pour l’Université et pour moi, mais il permet aussi de mieux faire connaître et apprécier la linguistique, domaine qui reste peu connu », dit la sociolinguiste de renommée mondiale Shana Poplack.
La professeure Poplack étudie le langage parlé, plutôt que sa forme écrite ou normative. Ses recherches sur le français parlé dans la région d’Ottawa-Gatineau et sur l’anglais parlé par les Afro-Canadiens en Nouvelle-Écosse ont fait l’objet d’entrevues avec des journalistes et des radiodiffuseurs partout au Canada. « Les gens sont fascinés par le fait que les données les plus importantes pour comprendre la structure d’une langue proviennent des conversations quotidiennes ordinaires », explique-t-elle.
« Le langage quotidien, peu importe la langue, le dialecte ou le locuteur, comporte une structure complexe particulière à laquelle on ne peut avoir accès que par les moyens scientifiques de l’analyse linguistique », ajoute Mme Poplack. Ses recherches se caractérisent par la collecte et l’analyse scientifique de grandes entités de données sur la langue vernaculaire, entreposées dans l’un des laboratoires sociolinguistiques les plus dynamiques et productifs au monde, qu’elle dirige et qu’elle a fondé en 1982.
En plus de la renommée internationale de ses travaux portant sur les langues romanes du Nouveau Monde, les études créoles et les dialectes des minorités, ses recherches ont eu un effet profond dans le domaine du bilinguisme.
« Lorsque les locuteurs bilingues passent d’une langue à l’autre, ils ne le font qu’aux démarcations grammaticales communes aux deux langues », explique-t-elle. Ses méthodes novatrices ont démontré que le passage d’une langue à l’autre dans un discours bilingue est une compétence et non pas un défaut, et que les emprunts de vocabulaire ne dérangent en rien la structure grammaticale de la langue d’arrivée. Elle a également établi que l’anglais des Noirs ne provient pas du créole, mais des premières formes de l’anglais moderne.
Elle a également fait remarquer que plusieurs des caractéristiques soi-disant typiques du français canadien découlent directement du français européen ou résultent d’une évolution interne non attribuable à l’influence de l’anglais.
« Toutes les langues évoluent lentement mais inexorablement, et tous les efforts des écoles, des grammaires, des académies et autres promoteurs d’une “langue universelle” n’ont pas encore réussi à ralentir ou à inverser ces tendances », conclut Shana Poplack.