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Des gens « effacés » de l’histoire?

L’histoire pourrait en souffrir si des Canadiens empêchent Statistique Canada de divulguer – après un embargo de 92 ans – les renseignements personnels recueillis à leur sujet cette année.

Le 16 mai prochain, quelque 32 millions de personnes réparties dans 12,7 millions de ménages d’un bout à l’autre du Canada seront invitées à faire leur autoportrait à l’occasion du recensement de 2006.

Les données recueillies serviront à planifier divers programmes et services relatifs à l’éducation, à cerner les besoins futurs en main-d’œuvre, à planifier des programmes d’apprentissage et de formation ainsi qu’à mettre sur pied des programmes d’emploi pour les jeunes.

Mais le questionnaire de 2006 apporte un élément nouveau. En effet, une de ses questions demande au répondant s’il est d’accord pour que les renseignements fournis dans le cadre du recensement deviennent accessibles au public en 2098.

Cette question, incluse à l’instigation du Commissariat fédéral à la protection de la vie privée, a soulevé tout un émoi dans la communauté scientifique qui craint d’être privée de précieux renseignements.

« Si une personne répond non à cette question, elle sera tout simplement effacée de l’histoire », explique Chad Gaffield, professeur titulaire au Département d’histoire et chercheur principal du projet l’Infrastructure de recherche sur le Canada du 20e siècle.

Il s’agit du plus important projet de recherche en sciences humaines jamais réalisé au Canada. Quelque 130 géographes, sociologues et historiens de sept universités canadiennes travaillent à créer des bases de données intégrées sur les recensements de 1871 à 2001.

Au Canada, le recensement constitue la seule source fiable de données détaillées sur des groupes restreints comme les familles monoparentales, les groupes ethniques et les catégories professionnelles.

Or les échantillons statistiques comprendront des distorsions importantes si les gens décident massivement de protéger leurs renseignements personnels à perpétuité. Toutes les données relatives à ces répondants seront alors retirées de l’échantillon.

M. Gaffield croit que la plupart des gens qui refuseront la divulgation seront motivés par la crainte que les gouvernements s’immiscent dans leur vie privée. Personne ne s’est pourtant objecté à la diffusion des données de 1901, soutient le chercheur, pour qui le recensement reste le meilleur portrait que l’on puisse tracer de la population.