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Résolution : libérer Koko, la femelle gorille

Note de la rédaction : Le 24 janvier 2005, l’Université d’Ottawa accueillait des participants et participantes de toutes les régions du Canada, de même que deux équipes de Yale University, pour la tenue d’un marathon de débats : 24 joutes oratoires en 24 heures, sans interruption. L’événement visait à recueillir des fonds au profit de Waves of Mercy, une ONG installée à Langkawi, en Malaisie, qui se charge de distribuer des produits de première nécessité sur la côte de l’île d’Aceh dévastée par le récent tsunami. Voici un compte rendu humoristique et inspiré d’Erik Eastaugh, champion mondial des débats universitaires et organisateur de l’événement.

Heure : 1 h le matin; Résolution : La Chambre veut libérer Koko la femelle gorille. Heures écoulées : 17. Réflexion : Ouille!

J’ai mal à l’épaule, je souffre. Je souffre d’avoir ri au point de tomber de ma chaise, et je me dis que nous aurions dû penser à cela bien avant. Scott Thurlow, diplômé en droit de l’Université d’Ottawa, vient de mettre en scène un dialogue entre la femelle gorille Koko et un compagnon mâle de la jungle africaine, histoire de démontrer à quel point la vie de celle-ci se trouverait enrichie par sa libération. Scott reproduit ce dialogue dans la langue des gorilles, bien sûr, avec grognements et tout le tremblement.

C’est connu, les spécialistes de l’art oratoire ne manquent pas de verve ni de passion, mais après 17 heures de débats, même pour une bonne cause, la machine intellectuelle perd de son lustre et devient aussi terne qu’une cuillère de bois. La passion, elle, subsiste, animée par la justesse de la cause.

Notre communauté a été secouée par la décision de Jamie Furniss (mon co-équipier de débat, colocataire et meilleur ami) de prolonger son séjour en Asie du Sud-Est pour venir en aide aux victimes du tsunami, juste après avoir remporté les championnats mondiaux des débats universitaires tenus en Malaisie pendant les vacances de Noël. Certains ont été émus aux larmes par la lecture des messages poignants dans lesquels il relatait les conséquences terrifiantes du raz de marée. D’autres se reprochaient de ne pas en faire davantage pour secourir les victimes. Tous s’entendaient : il fallait faire quelque chose de plus! Voilà comment est né le projet du Tournoi 24 heures de débats.

L’idée était géniale, mais, bon sang, que j’ai mal à l’épaule!

Heure : 8 h 30. Résolution : La Chambre croit que les É.-U. constituent la seule et unique menace imminente en matière de sécurité internationale. Temps écoulé : 23 heures et demie. Réflexion : Surtout, ne pas dormir! Surtout, ne pas dormir! Surtout… ne pas d zzzzzz.

L’Afrique et le SIDA. La guerre au Soudan. Le terrorisme en Iraq. L’arsenal nucléaire de la Corée du Nord. Ça y est : je m’endors une seconde fois pendant le débat, tandis que Kevin Massie, étudiant en droit de Queen’s et demi-finaliste aux championnats du monde, démontre sa maîtrise de l’art oratoire en ponctuant chacune de ses phrases par la formule : « Et ça, c’est encore la faute de l’Amérique! ».

Assis en face, dans le camp adverse, je dois lutter contre le sommeil assez longtemps pour écrire un discours de sept minutes et réfuter ses arguments. En principe, ça ne devrait pas poser de problème, mais avec 23 heures et demie de débats dans le corps, c’est une autre paire de manches!

En fin de compte, le dernier débat et mon allocution se déroulent sans anicroches. Ça vaut mieux comme ça, puisqu’on aperçoit dans l’auditoire David Mitchell, vice-recteur aux relations universitaires, et Huguette Labelle, chancelier de l’Université. Ce n’est plus le temps de parler la langue des gorilles!

Parfois, la tâche était lourde (convainquez-moi en sept minutes, sans notes ni préparation, et sans sommeil à 5 h le matin, qu’il faut autoriser les tribunaux de la charia). D’accord, le temps a pu sembler long, mais n’empêche, le tournoi marathon a connu un vif succès.

Nous nous sommes beaucoup amusés et avons noué de nouvelles amitiés avec des gens de tout le pays, dont certaines dureront peut-être toute la vie. Et surtout, nous avons recueilli 10 000 $ pour Waves of Mercy et la population d’Aceh.

Mais croyez-le ou non, j’ai encore mal à l’épaule…