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L'univers des jeunes vu par Diane Pacom

Les propos de la professeure de sociologie Diane Pacom, au sujet des différences générationnelles entre professeurs et étudiants sur les campus universitaires, ont été publiés dans plusieurs journaux canadiens récemment. L'univers des jeunes est l'un des principaux axes de recherche de la professeure Pacom depuis plus de 25 ans.

L'article qui suit a été publié pour la première fois dans la Gazette du 26 octobre 2001 :

Reine Degarie

Il y a un malentendu qui persiste. Les baby-boomers, lorsqu'ils tentent de comprendre les jeunes actuels, ont trop tendance à se référer à leur propre expérience », affirme la professeure de sociologie Diane Pacom. « Par contre, ajoute-t-elle, il est difficile de brosser un tableau homogène de ces jeunes. Le seul dénominateur commun spécifique à cette cohorte, c'est leur fragmentation. »

Tout de même, Mme Pacom avance quelques indices pouvant aider à résoudre l'imbroglio. Elle parle en connaissance de cause. L'univers des jeunes est un de ses principaux axes de recherche depuis 25 ans et, depuis quelques années, elle a été invitée à faire partie du comité scientifique de l'Observatoire jeunes et société de l'Institut national de la recherche scientifique du Québec.

Son coup de foudre pour ce domaine de recherche, la sociologue raconte le devoir à son mentor et directeur de thèse à l'Université de Montréal, Marcel Rioux. Elle tient à rendre hommage à ce grand penseur disparu il y a 10 ans, « parce que je marche dans ses pas ».

Diane Pacom


La passion qui pousse Diane Pacom à mieux faire comprendre les jeunes, l'amène à prononcer de nombreuses conférences, particulièrement auprès d'intervenants dans les milieux d'enseignement, ainsi qu'à accorder régulièrement des entrevues aux médias d'information.

À la question de savoir comment on peut distinguer la mouvance des jeunes actuels de celle de la génération des baby-boomers, Mme Pacom indique d'abord que cette génération « a été la première à comprendre que les jeunes doivent être considérés, non pas comme des adultes potentiels, mais comme une catégorie de citoyens qui a son univers propre ». Elle ajoute qu'en conséquence ... « nous croyons que les jeunes ont des droits à défendre et nous, les adultes, devons les aider à devenir conscients de ces droits ».

« Il y a quelques années, on qualifiait de jeunes ceux âgés de 14 à 24 ans, précise la sociologue. Maintenant, il faut plutôt parler de la tranche d'âge correspondant aux 19-35 ans ». Cette démarcation n'est peut-être pas aussi claire que souhaité, poursuit-elle. « Les rites traditionnels de passage au monde des adultes disparaissent. On ne se marie plus, on ne s'engage plus dans une carrière à long terme, etc. ». À son avis, on ne peut parler des jeunes autrement qu'en termes « d'un morcellement ou d'une fragmentation », qui n'existait pas - ou pas à ce point - dans les années 1960.

Il est difficile de brosser un tableau homogène de ces jeunes. « Par conséquent, dit-elle, certains jeunes ne rêvent que d'être totalement intégrés à la logique du système et, en contre-partie, d'autres choisissent d'opter pour un style de vie complètement marginal ». C'est encore plus complexe : « Auparavant, on pouvait se rebeller contre l'ensemble de l'ordre établi. Maintenant, quand elle a lieu, la révolte est ponctuelle et éclectique. On a une grande variété de combinaisons : un jeune peut être avant-gardiste sur certains aspects et conservateur sur d'autres. »

Mme Pacom souligne une autre distinction caractéristique de la situation des jeunes actuels : la précarité. « Ils vivent dans l'éphémère. Ils ont intégré l'insécurité du système dans leurs comportements. » À titre d'exemple, elle mentionne qu'« après avoir obtenu un diplôme universitaire, un étudiant est envoyé sur le marché du travail, mais que quelque temps plus tard, il devra peut-être revenir aux études pour faire face aux éternelles adaptations que notre système exige ».

Ce constat en entraîne un autre : le nomadisme. Mme Pacom explique que les jeunes « sont les fruits de la mondialisation. Ils deviennent nomades par goût et par nécessité. » Paradoxalement, même s'ils bougent tout le temps, ces enfants de ceux qui ont massivement divorcé espèrent s'engager dans une relation de couple à long terme, souligne la sociologue. « En même temps, enchaîne-t-elle, ils ont aussi beaucoup de flexibilité pour s'adapter à d'autres circonstances. Ils s'attendent à faire plusieurs rencontres. Il en va de même avec les emplois et les amitiés. »

Parmi ses autres observations, Diane Pacom mentionne « qu'en général les jeunes actuels sont des victimes de la consommation et de grandes compagnies de marketing qui les ciblent. Par contre, concurremment, ils peuvent aussi être écolos. » La sociologue constate aussi que les jeunes vivent une profonde quête spirituelle et qu'ils se cherchent beaucoup. Elle précise cependant qu'ils « peuvent aller vers une secte très rétrograde autant qu'adopter une spiritualité sur mesure ».

Alors, qu'est-ce qu'un éducateur, ou un parent, peut faire face à ces nouveaux jeunes ? « Nous ne pouvons leur offrir une vision optimiste du monde. Nous ne pouvons que leur donner une représentation réaliste d'une période de transition », répond Mme Pacom. Elle conclut que « les adultes doivent être à l'écoute des jeunes parce qu'à l'heure actuelle ces derniers font preuve de beaucoup de créativité et que, par ailleurs, ce sont eux notre relève ».