Michel Prévost, archiviste en chef
Mgr Henri Légaré, recteur de l'Université d'Ottawa de 1958 à 1964, est décédé le 19 juillet dernier, à l'âge de 86 ans. Visionnaire, on lui doit les premières négociations qui conduiront à la restructuration de l'Université en 1965.
Henri-François Légaré est né le 20 février 1918, à Willow Bunch, en Saskatchewan. Après ses études au Collège de Gravelbourg et au Noviciat des Oblats à Saint-Laurent, au Manitoba, il est ordonné prêtre en 1943 à Lebret, dans sa province natale. Le jeune oblat entreprend par la suite des études spécialisées en sciences sociales à l'Université Laval et à l'Université de Lille, en France, où il soutient sa thèse de doctorat. En 1952, il devient aumônier national et administrateur de l'Association des hôpitaux catholiques du Canada, poste qu'il occupe jusqu'en 1957.
Henri Légaré arrive à l'Université d'Ottawa en 1954 comme doyen de la Faculté des sciences sociales. En 1958, il prend la tête de l'établissement qu'il dirige jusqu'à son remplacement par le père Roger Guindon en 1964. Loin de prendre sa retraite, l'ancien recteur devient supérieur des Oblats de la province du Manitoba en 1966, évêque de Labrador-Schefferville en 1967, puis archevêque de Grouard-McLennan, en Alberta, en 1972. Mgr Légaré prend une retraite bien méritée à Ottawa en 1996.
C'est pendant le mandat d'Henri Légaré, en 1959, que l'Université obtient du gouvernement de l'Ontario des pouvoirs d'expropriation dans la Côte-de-Sable. Ce droit, renouvelé en 1964, se révèle providentiel, puisqu'il empêche toute spéculation sur les terrains convoités par l'établissement pour son expansion.
Il permet en 1960 à l'architecte Jean-Serge Le Fort de présenter un ambitieux plan d'expansion de 31,5 millions de dollars qui prévoit 22 projets de construction, échelonnés sur 20 ans. On veut, entre autres, ajouter une bibliothèque au pavillon de médecine (Vanier en 1963), un édifice pour le droit, une résidence étudiante (Marchand en 1964) et un centre sportif. L'avenir semble prometteur, mais la réalité se révélera plus complexe.
En fait, au début des années 1960, le fardeau financier de l'expansion qui prévaut depuis 1945 provoque une grave crise financière. Au cours de cette période, le budget d'exploitation fait un bond prodigieux, passant de 650 000 à plus de quatre millions de dollars.
Institution catholique bilingue, l'Université d'Ottawa n'est pas admissible au financement provincial, même si elle est la seule université en Ontario à offrir des programmes en français. Bien qu'elle reçoive des subventions provinciales pour les sciences et la médecine, l'ampleur des besoins force l'administration à admettre la nécessité d'une aide financière gouvernementale. La situation devient alarmante, puisque l'institution s'endette chaque année davantage pour assurer son expansion, devenue incontournable.
En 1963, après des mois de discussions avec le supérieur général des Oblats et ses confrères, ainsi que de consultations avec le personnel laïque, le recteur Légaré propose au gouvernement de retirer à sa congrégation l'autorité exclusive sur l'Université.
Somme toute, on peut affirmer que c'est la persévérance et la détermination du père Légaré et de son successeur, le père Roger Guindon, qui ont permis aux Oblats et au gouvernement de l'Ontario de négocier un accord définitif qui mène à l'adoption de la Loi de l'Université d'Ottawa de 1965.
L'administration universitaire reconnaît d'ailleurs cette contribution exceptionnelle à deux reprises : d'abord en décernant à Mgr Légaré un doctorat honorifique en 1984, puis en lui remettant la Médaille du 150e anniversaire de l'Université et en lui accordant le titre de recteur émérite lors des grandes célébrations de 1998.