Susan Hickman
À l'occasion du décès de l'auteure canadienne Carol Shields, en juillet, le Premier ministre Jean Chrétien l'a classée parmi les grandes figures de la littérature canadienne. Plusieurs professeurs de l'Université d'Ottawa évoquent pour leur part sa « présence lumineuse » au Département d'English de l'Université.
L'un des auteurs les plus renommés et les plus appréciés au pays, Shields est décédée le 16 juillet à Victoria des suites du cancer du sein. Elle était âgée de 68 ans.
Glenn Clever, professeur de littérature anglaise à la retraite, a supervisé le mémoire de maîtrise de Shields au début des années 1970. Le professeur Clever affirme, qu'en tant qu'étudiante, Shields n'avait pas son égal. Son mémoire de maîtrise consacré à l’écrivaine canadienne du 19e siècle, Susanna Moodie, a été publié en 1977.
« Elle éclipsait la moyenne des étudiants du second cycle », dit M. Clever. « C'était une excellente étudiante, qui participait activement en classe et qui s'intéressait à la technique du roman. Elle m'a remplacé à quelques reprises et son travail était remarquable. Je n'ai jamais eu un autre étudiant de ce calibre », conclut-il.
Le professeur Clever et son collègue Frank Tierney ont été les pionniers du programme de littérature canadienne-anglaise à l'Université d'Ottawa, qui a vu le jour à peu près à l'époque où Shields y était étudiante à la maîtrise. Le duo a lancé plusieurs cours de littérature et créé Borealis Press, la maison d’édition qui a publié le mémoire de Shields ainsi que ses deux premiers ouvrages de poésie, Others (1972) et Intersect (1974).
M. Tierney se souvient de la réticence de Shields à publier son mémoire de maîtrise. « (Glenn Clever et moi) pensions que son mémoire ajoutait à la compréhension de Moodie. Nous l'avons également encouragée à écrire de la poésie. Elle était très humble et tout hésitante. »
Le professeur Seymour Mayne se souvient, quant à lui, « du sourire effacé et de la modestie » de Mme Shields.
Longtemps avant que Carol Shields devienne une auteure prolifique, elle a eu la gentillesse de revenir à l'Université d'Ottawa pour lire des extraits de ses premiers livres. Après avoir publié quelques romans et recueils de nouvelles et une pièce de théâtre, elle est revenue à l'Université d'Ottawa à titre d'auteur en résidence.
Gerald Lynch se souvient de cette période : « Elle avait une présence lumineuse. Elle était gaie, enjouée, toujours de bonne humeur et prête à causer et à faire des blagues », dit-il.
Frank Tierney et son épouse, qui élevaient plusieurs jeunes enfants à l'époque, ont souvent dîné avec Carol Shields et son époux. Il se souvient de l’avoir ramené chez elle un soir, après une lecture publique.
« Elle avait une petite famille à l'époque, et je lui ai demandé quand elle trouvait le temps d'écrire. Elle m'a répondu : “Frank, j'écris en remuant le porridge le matin.” Elle disait que parfois, quand elle était debout près du poêle à remuer le porridge, elle oubliait subitement ce qu'elle était en train de faire. »
Le professeur Tierney affirme qu'il se sent maintenant privilégié d'avoir été associé à la carrière littéraire naissante de Carol Shields. « Toutefois, elle a vraiment tout fait par elle-même. Elle avait seulement besoin de se concentrer sur la création, et qu'on lui dise qu'elle pouvait le faire. »
Carol Shields a été lauréate de nombreux prix, dont le Pulitzer qu'elle a obtenu pour son roman The Stone Diaries paru en 1993. Son plus récent roman, Unless, a été mis en nomination pour le Giller Prize et figurait cette année parmi les finalistes du Orange Prize for Fiction, décerné au meilleur ouvrage de fiction en langue anglaise écrit par une femme.
Éloge de Carol Shields, lors de la cérémonie de remise d’un doctorat honorifique de l’Université d’Ottawa en juin 1995 (Texte bilingue)