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Un trésor surréaliste à Ottawa

  Jacques Baron
   
Nelson Charest

À l’âge de 16 ans, dans le train qui le mène de Nantes à Paris, Jacques Baron écrit ces vers : « Maintenant visé d’une folie douce / Je tourne le pouce d’une autre pensée. » Ce sera le début d’une grande aventure. Son frère, qui l’accompagne alors, de cinq ans son aîné, croit au talent du jeune Jacques et le présente aux surréalistes à son arrivée à Paris. Louis Aragon lit ces vers et demande immédiatement au jeune poète de se joindre au groupe, pour leur première manifestation publique, en avril 1921 : Jacques Baron devient alors le plus jeune poète surréaliste et sera par la suite le « protégé » d’Aragon. Il sera le premier surréaliste à joindre le parti communiste, mais le premier également à s’en écarter, en 1929, lors de la publication par André Breton du second Manifeste du surréalisme. L’aventure aura été brève mais fulgurante, pour celui qu’on nomme le « Rimbaud du surréalisme », qui publiera, notamment, le recueil L’Allure poétique salué par Aragon, en 1924, le recueil Paroles en 1929 et un roman, Charbon de mer, en 1935.

Quelques dizaines d’années plus tard, c’est ici même, à Ottawa, que l’aventure se poursuit. Jean-Marie Baron, neveu de Jacques et fils de ce frère qui a lancé l’écrivain, lui-même critique d’art et auteur d’un entretien avec Joseph Kessel (Ami, entends-tu…, La Table Ronde, 2006), était récemment de passage à la bibliothèque de l’Université, pour consulter le fonds d’archives Jacques-Baron, le plus important au monde. Visiblement ému de découvrir ces documents, il affirme d’emblée : « Je suis ici, essentiellement, pour des raisons sentimentales. » Jean-Marie Baron affirme qu’il a connu l’existence du fonds à Ottawa peu de temps après sa création : « Ce que je peux vous dire, c’est qu’il [Jacques Baron] était extrêmement touché, à cette époque d’assez grande solitude pour lui, par le fait qu’on s’intéressait à lui et que ça vienne d’ici. Il aimait beaucoup le Canada. Je suis très agréablement surpris de voir la richesse des archives réunies. Je ne pensais pas qu’il y avait autant de lettres, de Max Jacob, de Cocteau, de Jacques Doucet… »
    
Ce fonds a été constitué depuis une trentaine d’années par différents donateurs, notamment d’anciens professeurs du Département de français. Ce sont six boîtes contenant des photos, des lettres, des dessins, des aquarelles et divers documents ayant tous appartenu à Jacques Baron. Aujourd’hui son neveu entend bien poursuivre l’aventure : il projette une exposition à la bibliothèque de Nantes, qui détient elle aussi plusieurs documents, exposition qu’il espère pouvoir ensuite déplacer ici-même, à Ottawa. Des projets de lecture poétique et même de rééditions sont aussi dans l’air.
    
Les archives de Jacques Baron sont une mine d’or pour les professeurs et les étudiants, surtout ceux qui désirent effectuer une thèse sur cet écrivain mal connu encore aujourd’hui.