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Une nouvelle chaire sur les perspectives et les réalités du don d’organes

Tim Lougheed  

  Dr. Sam Shemie
   
Peu d’actes médicaux ont autant de portée dramatique que les greffes d’organes, qui viennent secourir des patients à l’article de la mort pour les ramener à la santé et à la vie. Mais ce triomphe de la vie est nécessairement accompagné de la tragédie de la mort, parce que les donneurs d’organes sont très souvent décédés de façon soudaine et inattendue. 

Professeur à l’Université McGill et médecin traitant en soins intensifs et médecine pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants, le Dr Sam Shemie a passé la plus grande partie de sa carrière à composer avec cette difficile association entre la vie et la mort. 

« L’unité de soins intensifs est l’endroit où l’on fait couramment usage de la technologie pour contrer des défaillances d’organes pouvant causer la mort. Or, les greffes permettent de remplacer des organes défaillants lorsqu’ils sont endommagés de façon irréversible », dit-il. 

Travaillant de concert avec le Conseil canadien pour le don et la transplantation, le Dr Shemie a joué un rôle-clé dans l’élaboration de lignes directrices nationales pour améliorer les services de dons d’organes dans les hôpitaux canadiens. Aujourd’hui titulaire de la Chaire Bertram-Loeb de dons d’organes et de tissus, il appliquera cette expérience dans un milieu universitaire élargi. 

Tout en conservant ses fonctions à Montréal, le Dr Shemie passera une partie de son temps à Ottawa. Il s’attend à ce que la Chaire contribue à rassembler un nombre sans précédent de spécialistes, dans plusieurs disciplines, pour se pencher sur ce dossier dont l’importance continue de s’accroître.

« Le don est un beau geste », dit-il. « C’est vraiment une représentation symbolique de la coopération qui existe dans une société civilisée où l’on comprend que la perte d’un être cher est une tragédie, et que pouvoir la prévenir, c’est une bonne chose. » 

Mais pour bien des gens dans notre société, l’idée de faire don de ses propres organes paraît affreuse pour ne pas dire carrément effrayante. Le Dr Shemie estime toutefois qu’une telle attitude n’est pas forcément immuable. L’Espagne a atteint le plus haut taux de dons d’organes par le soutien aux services hospitaliers et la promotion publique de l’idée que la perte d’un être cher peut donner la chance à quelqu’un d’autre de vivre. « C’est perçu beaucoup plus comme faisant partie des obligations sociales », dit-il, en insistant sur la nécessité pour la population canadienne d’intégrer la même attitude dans son propre tissu culturel. 

L’une des principales raisons de la création de la Chaire a justement trait à la volonté de réaliser un tel changement. La Chaire a été mise sur pied grâce au don de un million de dollars de l’Institut Bertram-Loeb de don d’organes et de tissus. Créé en 2002 par le regretté Bertram Loeb, chef d’entreprise et philanthrope, l’Institut a pour vocation de susciter une prise de conscience du public canadien et de mieux le renseigner afin d’accroître sa participation au don d’organes. 

Le Dr Shemie souligne que ce domaine commence à peine à se dessiner dans les milieux universitaires. Il s’attend ainsi à ce que la Chaire de l’Université d’Ottawa serve de modèle pour d’autres universités au Canada et ailleurs dans le monde.

D’abord surpris de constater qu’il était installé à la Faculté des arts, il en est arrivé à la conclusion que c’était en fait un poste d’observation idéal pour étudier les nombreux aspects d’un sujet aussi complexe. 

« Plus j’y pensais, plus je trouvais l’idée très sensée », dit-il. « Si la Chaire était fixée en médecine, elle serait purement axée sur les aspects biomédicaux. Mais en l’établissant aux arts et en mettant l’accent sur les sciences humaines, il est possible d’y engager de nombreuses disciplines que le sujet intéresse. Le progrès technologique, les systèmes de maintien des fonctions vitales et l’utilisation des organes humains à des fins de transplantation sont autant de questions qui ont d’importantes implications sociétales. Le don est inexorablement lié à la mort. Or, la mort a un sens profond qui ne se limite pas au simple aspect biomédical. »