Geneviève L. Picard
Près d’un million de Canadiennes et de Canadiens ont une ascendance amérindienne, métis ou inuit, mais le Canada ne compte qu’environ 160 médecins autochtones. C’est peu, trop peu. « On devrait en avoir 2600! » insiste le Dr Stanley Vollant, directeur du nouveau programme d’études en médecine pour les Autochtones à l’Université d’Ottawa.
Lui-même un Innu de la tribu des Papinachois, né sur la réserve de Pessamite (Betsiamites – nord du Québec, près de Baie-Comeau), Stanley Vollant connaît bien les obstacles qu’affronteront les jeunes Autochtones intéressés par la médecine. « Quand on a vécu sur une réserve, on n’arrive pas à armes égales au fil de départ », affirme-t-il.
Selon lui, plusieurs facteurs expliquent cette situation : la faiblesse des cours de sciences dans les réserves; le fait que de nombreux jeunes aient côtoyé la violence, la pauvreté et la toxicomanie; le fait aussi que la compétitivité ne soit pas une valeur privilégiée chez les Autochtones. « Pour nous, c’est important de s’éduquer, explique le Dr Vollant, mais pas vraiment d’être meilleur que l’autre… »
S’il est médecin aujourd’hui, c’est grâce à quelques places discrétionnaires créées au sein de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, à l’intention des jeunes Autochtones, au début des années 1980. Les aptitudes scolaires et la volonté du jeune Stanley Vollant ont compensé les trois ou quatre points manquant à sa moyenne. Il a par la suite démontré qu’il était digne de cette confiance, devenant un chirurgien réputé, un pédagogue apprécié et le président de l’Association médicale du Québec de 2001 à 2003.
Le vent tourne
En 2005, l’Association des facultés de médecine du Canada invite ses membres à encourager la formation de médecins autochtones. L’Université d’Ottawa réagit rapidement en créant huit nouvelles places à leur intention, et offre au Dr Vollant de prendre la tête du programme. Celui-ci ne peut résister à l’appel. « Le défi de former des jeunes Autochtones en médecine était un retour aux sources crucial, primordial et essentiel », explique-t-il.
Le nouveau programme a pour but de niveler les chances en donnant un accès privilégié aux étudiants autochtones. Les exigences minimales sont les mêmes que pour le programme de médecine destiné aux étudiants francophones créé il y a une dizaine d’années.
La Faculté de médecine espère former une centaine de nouveaux médecins d’origine autochtone d’ici 2020. Le Dr Vollant est fier des 13 candidats admis depuis 2005. « On n’aura pas encore atteint l’objectif idéal, mais on aura fait un bon bout de chemin », croit-il.
Le Dr Vollant souhaite que le programme permette aussi aux non-Autochtones d’augmenter leur sensibilité envers la culture autochtone au Canada. Il aimerait que les étudiants en médecine suivent des cours sur les réalités autochtones, leurs cultures, leur santé et les approches transculturelles.
« Les spécialistes ont tendance à vous considérer comme “un foie” ou “un sein”. Pour les guérisseurs autochtones, il est important de considérer chaque personne dans sa globalité. » Selon eux, la santé serait un cercle comprenant quatre axes : pensée, corps, environnement physique et environnement social; un bris dans l’un de ces axes entraînerait la maladie. Selon le Dr Vollant, cette approche holistique de la santé pourrait inspirer plus d’un futur médecin.