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À qui profite la R-D coopérative?

  Gamal Atallah
  « La collaboration est souhaitable, surtout pour un partenaire modeste comme le Canada& », affirme le professeur Atallah.
 

Laura Eggertson

En 1985 est né, en Europe, un partenariat de recherche novateur destiné à stimuler la compétitivité de la recherche-développement. Appelé avec à-propos Eureka, le réseau était financé par les gouvernements européens. Son but : aider les entreprises, les centres de recherche et les universités à mettre au point de nouvelles technologies.

Deux ans plus tard, les États-Unis formaient un réseau similaire, sous le nom de SEMATECH, afin d’accélérer le développement de l’industrie américaine des semi-conducteurs, qui tirait de l’arrière sur le marché.

Voici qu’un économiste de l’Université d’Ottawa étudie l’incidence de ces initiatives sur les progrès technologiques, les consommateurs et le bien-être collectif. Car c’est une tendance croissante au Canada, surtout parmi les universités, où des réseaux comme Génome Canada et le Réseau canadien de technologie mettent leurs ressources en commun.

Pour Gamal Atallah, professeur adjoint, ces consortiums de recherche-développement sont d’importants moyens d’innover. Or, l’innovation est elle-même le principal moteur de croissance économique, au Canada et partout au monde.

« Il est bien plus important de vaincre la concurrence en créant de nouveaux produits et de nouveaux procédés qu’en cassant les prix », dit-il.

En règle générale, explique M. Atallah, les entreprises tendent à mettre leurs ressources en commun quand la conception de nouvelles technologies et de nouveaux procédés est très complexe ou coûteuse. Seules, elles n’ont pas nécessairement le personnel ou l’expertise pour aller de l’avant. La synergie qui se dégage de leur association abrège le temps de conception, réduit les coûts, atténue et répartit les risques et améliore le produit final.

Les réseaux ou les consortiums de recherche-développement profitent également au consommateur, si par exemple les partenaires s’entendent sur une norme et créent des produits compatibles.

La démarche est particulièrement avantageuse sur un petit marché comme le Canada où, en bout de ligne, les sociétés privées investissent moins en R-D, proportionnellement, que les gouvernements, précise M. Atallah.

Selon le rapport Objectif Croissance publié en 2006 par l’Organisation de coopération et de développement économiques, les entreprises canadiennes se classent au treizième rang des pays industrialisés sur le chapitre de l’intensité de la recherche-développement. « Notre rendement nous place au milieu des pays industrialisés, mais nous visons le sommet. »

« Je pense que la collaboration est souhaitable, surtout pour un partenaire modeste comme le Canada, qui peut ainsi faire équipe avec de grandes sociétés internationales, profiter de leur expertise et partager la connaissance. À mon avis, c’est socialement bénéfique. »

M. Atallah estime par ailleurs que le Canada pourrait devoir intensifier ses efforts pour attirer les investisseurs étrangers et développer davantage les secteurs de haute technologie, plus propices à l’essor de la R-D et aux gains de productivité, mais aussi pour produire plus de diplômés dans des domaines essentiels comme la science et le génie.

Le niveau des dépenses en formation universitaire et le nombre croissant de scientifiques et d’ingénieurs au Canada sont autant de pas dans la bonne direction, mais il faudrait augmenter le nombre de brevets tout comme de produits et de procédés nouveaux.

Les partenariats de recherche ont toutefois des inconvénients, souligne M. Atallah. Il est aisé pour les partenaires technologiques de faire collusion et d’imposer le prix des produits sur le marché. 

« Il faut veiller à ce que la collaboration n’aille pas trop loin et ne devienne pas synonyme de collusion », prévient-il. C’est une mise en garde dont les gouvernements feraient bien de tenir compte.

Certaines sociétés craindront par ailleurs cette mise en commun des ressources si elles ne savent bien qui possédera en bout de ligne les produits et les procédés et en tirera profit. Pour résoudre cette question de la propriété intellectuelle, il arrive que les entreprises ne collaborent qu’à l’étape qui précède la concurrence