Échos du campusÉCHOS DU CAMPUS

La magie derrière les manuels scolaires

Tim Lougheed

Les meilleurs manuels scolaires ont un côté presque magique. Pour la plupart des étudiantes et des étudiants, ils ne sont qu’un titre sur une liste de livres recommandés ou un bouquin sur la tablette d’une librairie. Peu se soucient de savoir ce qui a mené à leur rédaction et à leur publication. Les spécialistes de la recherche et de l’enseignement en milieu universitaire apprécient sans doute un peu plus la valeur de ces documents, mais ils ont tendance à les voir comme des trésors qu’ils ont découverts et non comme quelque chose qu’ils pourraient produire eux-mêmes.

Rien d’étonnant à cela. Dans les domaines techniques, tels que la science, la médecine et le génie, créer un manuel scolaire représente tout un défi. Le texte doit faire autorité tout en distillant l’état actuel des connaissances sur un sujet donné de la façon la plus détaillée possible. Des années d’efforts peuvent produire les pages les plus denses et les plus difficiles qu’il vous sera sans doute jamais donné de lire ou devenir la clé qui vous permettra de comprendre un sujet complexe.

Il arrive toutefois que ces manuels naissent d’un besoin pressant à combler, comme en témoigne le DWalter Hendelman, professeur auxiliaire au Département de médecine cellulaire et moléculaire.

« Je trouvais très frustrant de ne pas avoir sous la main un manuel approprié pour aider mes étudiants », dit-il, pour expliquer comment lui est venue l’idée de créer un manuel décrivant l’anatomie du cerveau dans ses moindres détails. « Les manuels existants me semblaient trop ardus pour des personnes abordant pour la première fois l’étude d’un sujet aussi difficile et conceptuel que le cerveau humain. »

C’était à la fin des années 80. Le Dr Hendelman vient de passer les deux dernières années à revoir et corriger la troisième édition de son manuel, Atlas of Functional Neuroanatomy. Le livre se vend environ 80 $, et il sait qu’une poignée seulement d’étudiants de la Faculté de médecine se le sont procuré.

Le manuel du DHendelman sera très utile toutefois aux quelque 130 personnes qui doivent suivre un cours sur le sujet. L’ouvrage contient des centaines d’images très détaillées assorties de leur description, et le CD-ROM qui l’accompagne permet de visionner le contenu d’une façon un peu plus interactive. Il arrive que des étudiantes et des étudiants remercient le Dr Hendelman de leur avoir rendu le sujet plus accessible.

« Je reçois parfois un mot d’appréciation qui vient je ne sais d’où, par courriel », dit-il, soulignant que les commentaires s’arrêtent habituellement là. Les manuels scolaires comme le sien sont généralement publiés sans tambour ni trompette et se retrouvent en petit nombre dans des salles de cours un peu partout en Amérique du Nord et même au-delà. Peu de gens sont conscients des kilomètres que ces livres ont parcourus ou de la reconnaissance que l’Université en retire sur le plan de la recherche.

« Dans le courant universitaire, les personnes qui rédigent des manuels scolaires obtiennent peu de crédit ou de notoriété de leur travail », dit le DHendelman.

Ce n’est d’ailleurs pas le but premier de l’exercice, ajoute-t-il. Mais, comme c’est le cas pour d’autres aspects de l’enseignement, il faut y mettre un temps qui pourrait être consacré à d’autres aspects d’une carrière, comme la recherche ou la préparation de mémoires évalués par les pairs.

Le DHendelman juge qu’il est important de faire la promotion de cette activité savante qui produit un résultat concret ayant une valeur éducative. Il applaudit l’initiative de la librairie médicale de l’Université qui regroupe pour les mettre en valeur les ouvrages rédigés par des membres du corps professoral. On pourrait offrir le même genre de vitrine à ces ouvrages ailleurs sur le campus, dit-il.

La directrice du Centre de pédagogie universitaire, madame Aline Germain-Rutherford, partage ce point de vue. Elle souligne qu’un sous-comité sénatorial a été restructuré pour examiner précisément ce type de question.

« Nous nous penchons sur tous les produits de la pédagogie, et un manuel scolaire entre dans cette catégorie », dit-elle. 

Rappelant que le nouveau manuel du DHendelman utilise maintenant des technologies de l’information qui n’existaient pas lors de sa première parution, à la fin des années 80, madame Germain-Rutherford souligne que cette évolution ne peut que se poursuivre. Les générations de manuels scolaires à venir ressembleront peut-être davantage à des jeux vidéos interactifs qu’à des manuels traditionnels. 

« C’est paradoxal, conclut-elle. Les manuels scolaires sont davantage reconnus dans la carrière d’une ou d’un professeur, parce que nous accordons plus d’importance à la pédagogie dans nos universités. Mais au même moment, le manuel scolaire est appelé à faire peau neuve et à jouer un rôle différent dans la salle de classe et il ne devrait pas être la ressource principale. »